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[Projet Racine] Comprendre les réseaux

La base

Un réseau permet de faire communiquer des machines entre elles et, par extension, les hommes qui les utilisent. Ni plus, ni moins.

Un scoop : Internet n'existe pas

Lorsqu'on est devant son ordinateur ou son smartphone, on "va sur internet". En dehors de quelques geeks dont c'est le métier, bien peu de personnes parviennent à percevoir la réalité qui se cache derrière ces concepts qu'on nomme 4G, modem, wifi, routeur ou fibre. Pour couronner le tout, rien (ou presque) n'est fait pour faciliter la compréhension et l'appropriation.

On a donc recours à des punchline un peu marquantes comme celle de ce chapitre : internet, ça n'existe pas. Ce qu'on nomme Internet est en réalité une myriade de plusieurs dizaines de milliers de réseaux autonomes qui ont, bon gré mal gré, convenu d'utiliser un minimum de normes communes pour permettre aux divers ordinateurs qu'ils relient de pouvoir communiquer les uns avec les autres.

Pour permettre cette communication, un protocole est au cœur de tout ça : IP (Internet Protocol) qui permet aux opérateurs d'affecter une adresse à chaque ordinateur pour lui permettre de communiquer avec ses congénères. Chaque opérateur gère son propre stock d'adresse et décide, ou pas, de se connecter avec un autre opérateur pour échanger du trafic.

SCANI est un réseau autonome (numéroté 201080, les geeks aiment bien les numéros) au même titre que celui de Free (numéroté 12322), de Renater (le réseau universitaire Français, numéroté 2200) ou encore Aether, opérateur Australien (numéroté 139049). Si on devait pointer du doigt internet, pour lui donner une existence, il faudrait montrer du doigt tous les câbles qui relient les opérateurs entre eux, et il y en a ... des centaines de milliers.

On s'imagine souvent que lorsqu'on regarde une vidéo sur Youtube, elle vient tout droit de la Silicon Valey à travers les gros câbles qui reposent sur le fond des océans pour finir sur notre petit écran. La réalité est tout autre. S'il est fort probable que le fichier qui contient cette vidéo a probablement à un moment fait un tour aux États Unis, le fichier qui arrive sur notre ordinateur au moment ou on clique sur la vidéo, il vient d'un serveur situé à Paris ou à Lyon, voir même bien plus proche de chez nous dans certains cas.

Internet_map_1024.jpg

Tentative de représentation d'un petit morceau d'internet

Structure d'un réseau autonome

Vous l'aurez compris, Internet est composé de multiples opérateurs. Cela ne veut pas dire que chacun s'amuse à poser des câbles partout. En France, il y a trois grands acteurs qui s'occupent de cette mission : Orange, qui a hérité de l'ancien réseau téléphonique qui va déjà un peu partout, la SNCF, qui a installé une grande quantité de câbles tout le long des voies ferrées et les société autoroutières qui ont fait pareil le long des glissières de sécurité (vous avez peut être parfois remarqué ces lignes vertes peintes au sol aux abords des bornes d'appel d'urgence : elles indiquent le cheminement des fibres optiques sous la route)

Ce réseau très physique, puisque ce sont des câbles qui contiennent des fibres, est ensuite exploité par une grande quantité d'acteurs. Pour vous aider à appréhender la chose, prenons l'exemple de SCANI dans la zone du grand Auxerrois en partant de chez Mariane qui habite à Saint Georges et qui vient de démarrer une soirée Netflix :

  • Elle dispose, comme tous les autres membres de SCANI, d'un routeur qui lui permet de se connecter en wifi
  • Ce routeur est connecté à une antenne située sur son toit
  • Cette antenne est connectée en radio à une seconde antenne située sur une tour entre Auxerre et Saint Georges, cette antenne reçoit les connexion venant d'une dizaine d'autres membres en plus de Mariane.
  • Une troisième antenne connecte cette tour à un bâtiment situé dans la zone industrielle des Champoulains, ou se trouve donc une quatrième antenne qui, elle même, outre la tour, reçoit également des connexions venant d'autres relais situés dans Auxerre
  • Ce bâtiment est connecté en fibre optique au central téléphonique du quartier qui appartient à Orange (à cet instant, les données que Mariane échange avec le reste d'Internet sont toujours "sur le réseau de SCANI" mais celui-ci est "transporté par Orange", aux côtés d'autres flux de donnés que d'autres opérateurs ont demandé à Orange de transporter)
  • De ce central téléphonique, Orange transporte les données de Mariane (et des autres membres de SCANI dans le secteur) jusqu'à un central téléphonique régional (on les nommes SRTHD) situé à Dijon
  • À quelques centaines de mètres de ce central téléphonique, on trouve un centre d'hébergement de données (les fameux "datacenters"), propriété d'une entreprise nommée Cogent, dans laquelle il existe une connexion entre le réseau d'Orange et le réseau d'un autre opérateur français : Ielo. Le réseau de SCANI "saute" donc du réseau d'Orange à celui de Ielo
  • La suite du trajet dépend de la disponibilité des réseaux, on va simplifier sinon ça va faire 12 pages : Ielo utilise différents opérateurs de transport (probablement, entre autre, Orange et APRR qui exploite les autoroutes dans le secteur) pour ramener le réseau de SCANI jusqu'à Paris. Il existe deux circuits principaux : via Lyon (oui, ça semble idiot), et par Besançon et Strasbourg
  • Une fois arrivé à Paris, Ielo et SCANI ont interconnectés leurs deux réseaux à deux endroits : rue des Jeuneurs et boulevard Voltaire. SCANI a installé un routeur à chacun de ces deux endroits pour pouvoir "remettre la main" sur le trafic de ses membres et se connecter avec 3 ou 400 autres opérateurs directement et, indirectement, avec les dizaines de milliers d'autres.
  • Un de ces opérateurs avec lequel nous sommes connecté directement est Netflix, qui dispose de gros serveurs, hébergés à quelques mètres du réseau de SCANI, et qui contiennent toutes les vidéos les plus demandées, dont celle que Mariane regarde. Netflix renvoi donc à SCANI, par petits bouts, la vidéo de Mariane. Ces petits bouts refont l'ensemble du trajet expliqué plus haut pour finir par arriver sur le smartphone de Mariane.

La même chose peut être expliquée pour Julien, habitant de Toucy et abonné chez Free qui va regarder une vidéo Youtube connecté en 4G, les trajets et les technologies de transmission sont différents mais le principe reste le même.

Vous comprenez maintenant un peu mieux l'image ci-dessus. La conclusion est qu'un réseau, quel qu'il soit, est en gros similaire à un arbre, les données suivent des axes de plus en plus gros et qui agrègent de plus en plus de trafic jusqu'à une sorte de cœur du réseau qui va être connecté à d'autres opérateurs.

Les fournisseurs d'accès et les hébergeurs

D'un point de vue technique, aucune différence. Un réseau fonctionne de la même façon, qu'il serve à connecter les gros serveurs de Youtube qui sont remplis de vidéo ou des abonnés à l'ADSL ou à la fibre. Le plus souvent, un opérateur réseau a un métier principal : soit il fourni de l'accès internet, soit il fourni de l'hébergement. Les premiers vont chercher de l'information chez les second.

Mais on peut par exemple noter que dans certaines zones des États Unis, Google tient le rôle de fournisseur d'accès internet et dispose donc d'un réseau qui sert à la fois à héberger des données et à fournir des connexions internet à des abonnés. À l'inverse, SCANI, dont le réseau a principalement pour but de fournir de l'accès internet, dispose d'infrastructure d'hébergement de sites et de services pour ses propres besoins et permet à d'autres structures de connecter leurs serveurs.

Méthodes d'accès à un réseau

On se rapproche, ici, un peu plus du domicile de chacun. Nous allons parler du fameux "dernier kilomètre". Celui qui vous permet d'avoir internet à la maison.

Jusqu'au début des années 2000, on accédait principalement aux réseaux avec un modem qui chantait sa petite chanson à chaque connexion, qui occupait la ligne téléphonique et qui, sans qu'on en ai vraiment conscience à l'époque, était plus que lent pour transmettre de l'information.

Avec l'arrivée de l'ADSL, on a pu augmenter les débits disponibles, libérer la ligne de téléphone (le principe de l'ADSL étant d'utiliser les fréquence plus haute que la voix humaine pour transmettre de l'information) et surtout mettre en place des connexions permanentes.

Mais il existe bien d'autres façons d'être connecté à un fournisseur d'accès. Par exemple :

  • Le câble : à l'origine déployé dans certaines villes pour distribuer la télévision à travers des câbles coaxiaux, c'était notamment le cas à Saint Florentin et à Villeneuve sur Yonne. De la même façon que l'ADSL a permis un double usage téléphonie / réseau des lignes de téléphones, le DOCSIS a permis de mélanger la télévision et le réseau sur les câbles installés
  • Le satellite : à l'origine déployé pour transmettre également de la télévision, il a d'abord été utilisé uniquement dans le sens descendant, ce type d'installation étrange faisait passer le trafic montant vers internet à travers une ligne téléphonique et le trafic descendant à travers un satellite. Depuis, on est parvenu à faire transiter également la voie montante par le satellite. Le gros défaut est le temps nécessaire aux données pour faire l'aller/retour avec la stratosphère, 36000km, parfois jusqu'à une seconde entière, alors que les autres méthodes oscillent généralement entre 0.009 et 0.05 secondes pour se promener un peu partout en France.
  • Les faisceaux laser : un peu désuets de nos jours, le principe était le même que la fibre optique mais dans l'air. Le soucis de cette technologie, c'était le mauvais temps qui coupait les connexions
  • Les pigeons voyageurs : c'est très sérieux. Même si peu utilisé, des équipes de geeks fêlées ont mis en œuvre un véritable réseau à base de cartes mémoire accrochées à des pattes de pigeons. Le débit est excellent sur de courtes distances mais le système souffre de pertes de données conséquentes
  • La radio : massivement utilisée par SCANI, mais aussi par les opérateurs de téléphonie mobile. Les technologies employées sont très différentes, mais le principe reste le même : un émetteur, généralement situé en hauteur, a pour mission de connecter un certains nombre de récepteur (dans le cas de SCANI, une antenne sur le toit, dans le cas d'un opérateur mobile, un téléphone)

Transition de l'ADSL à la fibre

Comme expliqué précédemment, le principal problème de l'ADSL est la distance qu'il permet de couvrir. La fibre a le même problème mais la distance à partir de laquelle ça devient difficile est bien plus grande. La transition de l'un à l'autre suppose de rajouter des câbles contenant des fibres en remplacement de ceux, actuellement en place depuis 1970, contenant du cuivre.

Évidemment, on ne peut pas, un beau matin, remplacer les câbles. La période de transition s'étalera sur plusieurs années voir décennies et les anciens câbles ne seront probablement jamais démontés en totalité avant 20 ou 30 ans. En effet, avant d'éteindre l'ancien réseau, il faut que l'ensemble des usages qu'il supporte aient migré sur le nouveau.

Pour votre connexion internet, c'est simple, la fibre arrive, on change la box, et c'est fini. Mais pour une pompe de relevage dans une station d'épuration, il faut parfois changer totalement la pompe pour pouvoir la connecter au réseau fibre pour pouvoir la surveiller et la piloter à distance.

Adéquation des réseaux et des besoins

A ces difficultés dans la transition vient s'ajouter une question cruciale : est-ce que nous avons réellement besoin d'un réseau fibre qui va totalement remplacer le réseau cuivre ?

  • Quelle est l'intérêt d'un réseau ultra performant s'il s'agit de connecter un appareil qui compte les voitures sur le bord d'une route ?
  • Est-il bien prudent de faire dépendre la totalité de nos communications d'un réseau qui, bien que beaucoup plus performant, est également beaucoup plus fragile et difficile à réparer (lorsqu'un câble téléphonique est cassé, un simple domino suffit à effectuer une réparation de fortune. Pour une fibre, il faut tout un attirail de soudure et de compétences peu répandues pour effectuer la même réparation) ?
  • Est-il vraiment nécessaire d'investir immédiatement autant d'argent pour un réseau couvrant à 100% le territoire alors qu'on sait fort bien que 100% des habitants n'ont pas besoin de ce type de performance ? Ne pourait-on pas être plus ciblés dans l'investissement tout en prévoyant l'accroissement futur ?

Souplesse et agilité

C'est toute l'histoire de SCANI : utiliser au mieux les moyens disponibles (argent, temps, compétences, ...) pour répondre aux besoins existants (connexions à internet) tout en essayant de prévoir au mieux le futur.

Dans le cadre du déploiement fibre, SCANI entends entretenir la complémentarité avec les autres méthodes d'accès (ancien réseau cuivre, radio, ...) pour que le usages de chacun soient possibles sans que l'investissement ne devienne délirant.

Nécessité d'une maîtrise locale

Enfin, et c'est notre petit côté "localisme", il nous semble important que les réseaux ne soient pas tous aux mains de grosses entreprises déshumanisées et multinationales qui n'ont que faire des problématiques locales.

On comprends fort bien qu'il faut permettre à chacun d'avoir "Internet by Orange" s'il le souhaite, mais il est également important de garder un bon niveau de maîtrise des réseaux qui prennent de plus en plus d'importance dans nos vies, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à communiquer en cas de grosse crise.